
Présentation clinique, Imagerie avancée et pronostic de 80 Teckels ayant une extrusion discale Cervicale
Violini F, Tirrito F, Cozzi F, Contiero B, Anesi S, Zini E and Toni C (2024) Clinical presentation, magnetic resonance imaging findings, and outcome of 80 Dachshunds with cervical intervertebral disc extrusion. Front. Vet. Sci. 11:1438300. doi: 10.3389/fvets.2024.1438300
Par le Dr Clémence Berthomé, Résidente du service de neurologie au CHV Frégis
Cet article est le premier s’intéressant à une large cohorte de teckels atteints d’extrusion discale cervicale.
Les hernies discales cervicales par extrusion (HDCE) représentent jusqu’à 25% de tous les cas de hernies aiguës anciennement nommées « de type Hansen 1 ». La plupart des chiens atteints d’HDCE n’ont pas ou peu de déficits nerveux et sont ambulatoires à l’admission. Rarement, les chiens atteints présentent une radicalgie (membre porté sans appui ; ce signe clinique fait référence à une boiterie d’origine nerveuse et est supposé être la manifestation souffrance radiculaire par extrusion foraminale.
Le Teckel est hautement prédisposé aux HDCE (35-36% des individus atteints), mais aucune étude concernant uniquement cette race n’avait été menée à ce jour. L’objectif de la présente étude est de mieux caractériser l’HDCE chez le Teckel.
L’étude est rétrospective et regroupe les données de deux centres européens. Les teckels ayant un dossier médical complet et un diagnostic d’HDCE par résonnance magnétique (IRM) entre 2010 et 2023 sont inclus. Les données récoltées correspondent au signalement et aux signes cliniques des individus atteints (notamment le stade neurologique à l’admission (tableau 1), aux résultats d’IRM des cervicales et au devenir de ces chiens selon le type de traitement administré (chirurgical ou médical).
Quatre-vingts teckels ont répondu aux critères d’inclusion. Les mâles entiers et femelles stérilisées étaient surreprésentés (respectivement 36% et 34%), ainsi que les teckels à poil court (41%). Toutefois, cela correspond plus probablement aux statistiques de la race qu’à une réelle prédisposition. L’âge moyen des chiens atteints était de 7 ans.
La plupart des chiens de la population étudiée n’avait pas ou peu de déficits nerveux à la présentation initiale (55% sont stade I – algiques- et 33% sont stade II – tétra-ataxiques/parétique -). Les chiens atteints de radicalgie étaient peu nombreux (12/80). De façon intéressante, seulement 25% des chiens montrant ce signe clinique avaient finalement une hernie foraminale. Les signes cliniques sont apparus plus de 48h avant présentation pour 84% des chiens.
Concernant les résultats d’IRM, le site le plus atteint dans cette population est C2-C3 (38%). Les hernies C6-T2 étaient rares (12.5%) ce qui est en accord avec la littérature sur les HDCE des races chondrodystrophiques. Seule certaines races comme le Pékinois semblent prédisposées à des sites plus caudaux. Peu de chiens (14%) avaient une HDCE foraminale (8/18 chiens purement foraminale, 10/18 ayant à la fois une composante compressive sur la moelle épinière et une hernie foraminale) ; la radicalgie n’est donc pas systématique. L’aspect du matériel hernié semblait très dégénéré pour la plupart des chiens.
La majorité des chiens de l’étude ont reçu un traitement chirurgical (77.5%) plutôt que médical (22.5%). Les chiens atteints d’HDCE non foraminale avaient significativement plus tendance à être géré chirurgicalement (68/80, p<0.001). Tous les chiens ayant une HDCE foraminale pure ont été gérés médicalement. Aucun autre critère de choix clair en faveur d’un traitement comparativement à l’autre ne ressort de l’étude.
La conclusion intéressante est qu’il n’y a pas de différence de pronostic entre l’option chirurgicale et l’option médicale, que ce soit en termes de rapidité de récupération ou de récupération complète pour ces animaux stade I ou II. Le pronostic est bon à excellent quelle que soit l’option choisie. Parmi les chiens dont le suivi était disponible à 30 jours 98% avaient une récupération jugée satisfaisante et 80% des chiens avaient un examen nerveux normal. Seule l’hospitalisation des teckels gérés chirurgicalement (médiane : 2j) avait tendance à être plus longue que celle de ceux gérés médicalement (médiane : 0 j). Une douleur résiduelle à 21-30 jours était plus fréquente chez les chiens atteints d’HDCE purement foraminale.
Un critère d’indication chirurgicale pourrait être la présence de récurrences plus importantes dans le groupe géré médicalement dans cette étude : 3% seulement des chiens du groupe opéré ont présenté des signes de récidive, contre 15% des chiens gérés médicalement. Toutefois la majeure partie des hernies gérées médicalement sont des hernies foraminales ; le nombre de récurrences et de patients gérés médicalement était faible, ce qui rend la comparaison délicate.
D’après cet article, l’HDCE chez le Teckel présente de nombreuses similarités avec les études des autres races chondrodystrophiques. Les animaux atteints sont plus jeunes que 7 ans, ont des signes cliniques évoluant depuis plus de 48h lors de la présentation et présentent peu de déficits nerveux. Le site de prédilection semble être C2-C3 et les HDCE foraminales sont rares. Le pronostic associé est bon à excellent.
Bien que de nombreux biais soient présents, la gestion médicale de ces cas semble être une option très valable puisqu’aucune différence statistique n’apparait en termes de pronostic entre les chiens gérés médicalement et chirurgicalement, ce qui allège le poids financier pour les propriétaires ; gare aux récidives cependant plus nombreuses parmi les cas gérés médicalement. Des études plus randomisées sont toutefois nécessaires pour confirmer ce point.
Tableau 1 : grades neurologiques HDCE
Grade neurologique | Signification clinique |
0 | Animal sans déficit et non algique |
1 | Hyperesthésie cervicale uniquement |
2 | Tétraparésie ambulatoire |
3 | Tétraparésie non ambulatoire |
4 | Tétraplégie avec nociception profonde conservée |