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Cas cliniques

Qui peut le plus peut le moins !

Qui peut le plus peut le moins !

Par le Dr Alexandre Bitoun, résident au sein du service de neurologie du CHV Frégis.

Un chien croisé Jack Russell de 8 ans est présenté pour une dorsalgie à l’effort et des signes de douleur au membre pelvien droit qu’il ne lève pas correctement. Ces signes s’aggravent depuis une semaine, même sous traitement (anti-inflammatoire non stéroïdien, tramadol et gabapentine).

Deux autres épisodes similaires sont décrits ; il y a 4 ans avec déficits proprioceptifs pelviens et boiterie avec appui (radiographies des membres et de la colonne sans anomalie) normalisé sous anti-inflammatoires non stéroïdiens. Un second il y a 1 an avec  dorsalgie sévère et boiterie du membre pelvien droit sans appui auto résolutif.

Le reste de l’historique du chien ne révèle pas d’autres anomalies.

L’examen général réalisé ce jour est sans anomalie. L’examen nerveux révèle une ataxie proprioceptive modérée pelvienne avec une parésie,  des déficits proprioceptifs postérieurs, des réflexes spinaux et patellaires normaux et un dos arqué.

L’examen nerveux oriente vers une myélopathie T3L3 secondaire soit à une hernie discale récidivante sans pouvoir exclure un processus inflammatoire ou néoplasique.

Le bilan sanguin préanesthésique ne révèle aucune anomalie. Un examen de résonnance magnétique met en évidence une lésion bien délimitée, ovoïde, intra canalaire extradurale droite en regard du corps vertébral de L3. Cette lésion apparait hétérogène, iso à hyperintense en T2, isointense en T1, sans artéfact de susceptibilité en T2*. Cette lésion réhausse modérément en périphérie après contraste. Les disques intervertébraux régionaux apparaissent faiblement à modérément dégénérés et des protrusions débutantes sont présentes en T13-L1, L2-L3, L3-L4.

Cette lésion est compatible en priorité avec un phénomène néoplasique sans pouvoir complètement exclure une origine inflammatoire. Le bilan d’extension par scanner thoracique et abdominal se révèle négatif.

Une prise en charge chirurgicale décompressive et histopathologie est planifiée,

Sous anesthésie  (Midazolam, Propofol et relais par Isoflurane) une hémi-laminectomie droite en L3-L4 est réalisée et permet de décomprimer la moelle ainsi que de récupérer l’entièreté de cette masse.

L’examen histologique de la masse est compatible avec un chondrosarcome vertébral.

Un retour à la maison est envisagé après 3 jours de soins post opératoire sous prednisolone à dose dégressive, tramadol et de la gabapentine.

Un contrôle à 5 mois post opératoire est réalisé. Lors de celui-ci, l’examen général et nerveux de l’animal sont sans anomalies et le chien est parfaitement ambulatoire. L’IRM ne révèle aucun anomalie médullaire ou vertébrale en regard du site chirurgicale excepté un tissus cicatriciel non actif.

Suivi :

Quatre mois plus tard (9 mois après la 1ère chirurgie) l’animal est revu pour une discrète paraparésie installée depuis quelques jours  avec des déficits proprioceptifs pelviens et de la dorsalgie. Cette démarche ne s’est pas améliorée sous antiinflammatoires non stéroïdiens et sous gabapentine.

L’examen général est dans les normes de l’espèce ; l’examen nerveux révèle un animal non ambulatoire, présentant une ataxie sévère et paraparésie spastique des postérieurs et dorsalgie spinale.

L’examen nerveux oriente vers une nouvelle myélopathie T3-L3 de stade 3. Une récidive locale du chondrosarcome est suspectée en priorité.

Une nouvelle IRM de la colonne montre une compression médullaire focale, extradurale latérale droite sévère avec une portion foraminale en regard du disque T11-T12 par du matériel minéralisé. L’ancien site d’hémi-laminectomie est visible en L2-L3 à droite et ne montre aucune anomalie, ni aucune récidive tumorale.

Cette lésion est compatible en priorité avec une hernie discale ; une prise en charge chirurgicale est retenue par le propriétaire étant donné le bon pronostic pour cette lésion et l’absence de récidive.

Une hémi-laminectomie droite en T11-T12 est réalisée et permet de retirer une importante hernie discale subaiguë. Après 3 jours de soins post opératoires au sein de l’hôpital, le chien rentre à la maison ambulatoire. Un contrôle postopératoire à un mois confirme une normalisation ambulatoire et nerveuses du chien

 

Discussion :

Les chondrosarcomes représentent la deuxième tumeur la plus fréquemment rencontrée après les ostéosarcomes : 10 à 35% des tumeurs ostéoarticulaires (4,6,10).

Ce type de tumeur est retrouvé au niveau nasal (30% des cas), au niveau des os longs, des côtes et beaucoup plus rarement au niveau vertébral (7,9).
Ces tumeurs touchent principalement les chiens d’âge moyen à âgé (8,5 ans), de taille moyenne à grande (7,9, 10).

La race de ce chien, son gabarit et la localisation de la tumeur rendent sa description atypique pour un chondrosarcome.

A l’IRM, les chondrosarcomes vertébraux sont caractérisés par une lésion ovoïde lobulée proliférative, extradurale. Ils apparaissent hétérogènes hyper-intenses en majorité en pondération T2, avec des zones hypo-intenses multifocales au sein de la lésion. Un rehaussement important en périphérie de la lésion et une prise de contraste hétérogène sont aussi présents (2,7,9).
Les chondrosarcomes sont des tumeurs d’origine mésenchymateuses non-meningothéliales, plusieurs grades histologiques permettent de déterminer leur agressivité (9).

Comme dans notre cas, la majorité des chondrosarcomes diagnostiqués sont de bas grade (9).

La prise en charge de ce type est tumeur repose sur une exérèse chirurgicale large, afin de ne pas entreprendre les marges de la lésion et ainsi éviter les récidives (1).
Le grade histologique et la localisation des chondrosarcomes sont supposés être des facteurs pronostic, mais ils n’ont pas pu être identifiés et associés clairement pour le moment (9).

Les récidives des signes sont fréquentes, elles apparaissent localement au bout de 3 à 5 mois post chirurgie.

Ce cas est intéressant, car il permet de présenter une atteinte néoplasique ostéoarticulaire peu courante. De plus, le suivi clinique de ce cas est particulièrement atypique ; 5 mois après l’exérèse chirurgicale, la récurrence des signes nerveux est secondaire à une hernie discale extrusive classique et non une récidive fortement suspectée !!!

 

Références :

  1. Boriani S, Saravanja D, Yamada Y, Varga PP, Biagini R, Fisher CG. Challenges of Local Recurrence and Cure in Low Grade Malignant Tumors of the Spine. Spine (Phila Pa 1976). 2009 Oct;34(Supplement):S48–57.
  2. D’ANJOU M, CARMEL ÉN, TIDWELL AS. VALUE OF FAT SUPPRESSION IN GADOLINIUM‐ENHANCED MAGNETIC RESONANCE NEUROIMAGING. Veterinary Radiology & Ultrasound. 2011 Mar 9;52(s1).
  3. DERNELL W. Tumors of the Skeletal System. In: Withrow & MacEwen’s Small Animal Clinical Oncology. Elsevier; 2007. p. 540–82.
  4. Farese JP, Kirpensteijn J, Kik M, Bacon NJ, Waltman SS, Seguin B, et al. Biologic behavior and clinical outcome of 25 dogs with canine appendicular chondrosarcoma treated by amputation: A veterinary society of surgical oncology retrospective study. Veterinary Surgery. 2009 Dec;38(8):914–9
  5. Katonis P, Alpantaki K, Michail K, Lianoudakis S, Christoforakis Z, Tzanakakis G, et al. Spinal Chondrosarcoma: A Review. Sarcoma. 2011;2011:1–10.
  6. Liptak JM, Kamstock DA, Dernell WS, Monteith GJ, Rizzo SA, Withrow SJ. Oncologic outcome after curative-intent treatment in 39 dogs with primary chest wall tumors (1992-2005). Vol. 37, Veterinary Surgery. 2008. p. 488–96.
  7. Mazur WJ, Lazar T. What Is Your Diagnosis? J Am Vet Med Assoc. 2005 Apr 1;226(8):1301–2.
  8. Patnaik AK. Canine Extraskeletal Osteosarcoma and Chondrosarcoma: a Clinicopathologic Study of 14 Cases. Vol. 27, Vet. Pathol. 1990.
  9. Roynard PFP, Bilderback A, Falzone C, Stefanacci JD, Cherubini GB. Magnetic resonance imaging, treatment and outcome of canine vertebral chondrosarcomas. Six cases. Journal of Small Animal Practice. 2016 Nov 1;57(11):610–6.
  10. Waltman SS, Seguin B, Cooper BJ, Kent M. Clinical outcome of nonnasal chondrosarcoma in dogs: Thirty-one cases (1986-2003). Veterinary Surgery. 2007 Apr;36(3):266–71.