Image du mois : quand une tumeur ne vient pas seule

Découvrez cette image intrigante mettant en évidence plusieurs tumeurs simultanées chez un animal.

Par le Dr Joaquim HENRIQUESservice oncologie du CHV Frégis

fig 1   Fig2
Fig.1 et Fig.2

Chat femelle de 7 ans stérilisée, adoptée il y a 4 ans dans un abri, FIV positive. Sans antécédents médicaux. Habitant dans une maison, avec accès à l’extérieur et voyages fréquents au Portugal.

Depuis 4 mois une dermatite perioculaire bilatérale est constatée. Préalablement  une lésion nasale était également notée ayant rapidement évoluée et associée à des saignements. Les lésions sont accompagnées d’une alopécie et d’un prurit sévère (Figure 1). La mise en place d’une antibiothérapie et d’une corticothérapie s’est avérée sans effet car une aggravation lésionnelle a été observée au cours du traitement. Depuis un mois, en effet, les lésions se sont étendues au planum nasal et au chanfrein. Une automutilation en lien avec le prurit est également observée ainsi qu’une dysorexie, et un amaigrissement (Fig.1).

Une cytologie d’apposition réalisée chez le vétérinaire référant décrivait la présence de cellules épithéliales atypiques, et d’une population de cellules inflammatoires, notamment neutrophiles. Une néoplasie a été suspectée et a motivé une consultation au service d’oncologie.

L’examen clinique met en évidence une adénopathie sévère sous mandibulaire. Outre  les lésions faciales, le reste de l’examen clinique ne révélait aucune anomalie.

Quels sont vos diagnostics différentiels ?

Tenant compte des signes cliniques et des commémoratifs, une maladie inflammatoire, infectieuse ou néoplasique semblent les hypothèses les plus probables.

Le fait que ces lésions aient commencé autour des yeux,  une maladie auto-immune, infectieuse fongique (Mycrosporum spp), parasitaire (Demodex gatoi), virale (Herpesvirus) ou moins probablement bactérienne peuvent être suspectées. Une tumeur cutanée, notamment un lymphome ou un mastocytome cutanés sont aussi probables. L’adénopathie sous mandibulaire peut être réactive ou en lien avec une infiltration ganglionnaire néoplasique.

Quels examens complémentaires pensez-vous nécessaires afin d’aboutir à un diagnostic définitif ?

Une biopsie des lésions cutanées semble l’approche la plus rapide et efficace pour aboutir à un diagnostic. Elle permettrait d’évaluer la composition cellulaire des lésions. En cas de parasitose, infection fongique ou virale, plusieurs biopsies sont recommandées. Une cytologie sur ponctions des ganglions sous mandibulaires  est aussi nécessaire afin de définir la cause de cette adénopathie (réactive versus infiltrative).

Voici les résultats des examens :

La cytologie des ganglions met en évidence une population lymphocytaire réactive, associée à une infiltration plasmocytaire. Aucune cellule néoplasique n'est visualisée.

Description microscopique des biopsies :

Nez :

L’analyse histologique révèle plusieurs  fragments d'une néoplasie épithéliale maligne. On observe des trabécules denses de cellules épithéliales squameuses avec des atypies et une désorganisation. Les cellules présentent un cytoplasme basophile pâle et des noyaux irréguliers avec chromatine homogène et nucléoles parfois proéminents.

Il existe une variation modérée de la taille des noyaux. Huit mitoses sont comptées dans 10 champs à fort grossissement. Il n'y a pratiquement pas de stroma fibreux périphérique.

Zone péri-oculaire :

Dans quelques zones des fragments, le derme montre des appendices reconnaissables, notamment des glandes apocrines et des glandes sébacées éparses, ainsi que quelques sections de follicules pileux. Aucun épiderme n'est visible bien que la surface soit couverte d'un abondant maillage de fibrine avec des neutrophiles intégrés et des débris caryorrhéiques. Toute l'épaisseur du derme est infiltrée par d'abondants lymphocytes et plasmocytes, entourant et incorporant les appendices de la zone. Des macrophages sont observés de façon multifocale, contenant souvent des parasites basophiles et ponctués, d'un micron de diamètre, dans des halos clairs dans leur cytoplasme. Certains présentent une zone basophile plus sombre qui rappelle le kinétoplaste. Ils sont accompagnés de neutrophiles en plus petit nombre, surtout dans les zones sous-jacentes à l'ulcération.

Le derme est infiltré par des mélanges de neutrophiles, de macrophages, de lymphocytes et de plasmocytes. Moins fréquemment que dans le fragment précédent, les macrophages contiennent les mêmes micro-organismes que ceux décrits ci-dessus, mais en nombre beaucoup plus faible. Dans certains macrophages, ils sont pris pour du matériel phagocytaire possible car ils montrent les contours des macrophages.

Quel est le diagnostic ?

Prenant en considération l’analyse histologique et les signes cliniques rapportés, est diagnostiqué un carcinome épidermoïde associé à une forme de leishmaniose cutanée.

Discussion

Le carcinome épidermoïde (CE) est la tumeur du planum nasale la plus décrite et rapportée dans la littérature chez les chats. Cliniquement, les carcinomes épidermoïdes peuvent se présenter sous la forme de lésions en plaque, cratériformes ou fongiformes qui peuvent être ulcérées et érythémateuses, et souvent associées à des croûtes.

Bien qu’une origine multifactorielle soit rapportée, les carcinomes épidermoïdes sont souvent associés à l’exposition aux rayons  ultraviolets, provenant de la lumière solaire. Les races de chats à poils blancs ont un risque de développer un carcinome épidermoïde 13.4 fois plus important que les autres races.

L’infection par des micro-organismes tel que Leishmania doit être écartée pour les chiens et chats présentant des lésions du planum nasale et un historique de voyage dans un pays endémique pour ce parasite. Ces lésions peuvent être très agressives et atteindre toute la face, mais également être associées à des  lésions tumorales.

Les carcinomes épidermoïdes présentent un risque métastatique faible, mais peuvent être potentiellement agressives localement chez certaines espèces.

Dans le cas décrit, la Figure 2 témoigne de l’amélioration de la dermatite suite à la mise en place d’un traitement consistant en Domperidone et Allopurinol. Ainsi, la lésion correspondant au carcinome épidermoïde du planum nasale peut être correctement individualisée.

L’exérèse chirurgicale de la tumeur est le traitement le plus rapporté dans la littérature. Selon l’extension du carcinome épidermoïde, la chirurgie peut être plus ou moins agressive et comprendre le planum nasale, l’arcade dentaire ou l’os maxillaire.

Au moment de la chirurgie, les ganglions métastasés ou fortement suspicieux d’être métastasés doivent être retirés.

Puisque la chirurgie est souvent associée à des complications post-opératoires (déhiscence, épistaxis, rétrécissement des méats nasaux) et à un préjudice esthétique, il est impératif d’en discuter avec les propriétaires au préalable. Cependant une fois informés, la plupart des propriétaires s’avèrent satisfait d’une telle intervention.

Le contrôle de la maladie est fortement associé à la qualité de l’exérèse. Les marges latérales doivent être larges (au moins 2 cm chez les chiens et 5 mm chez les chats).

En cas d’exérèse complète, le pronostic est favorable, avec des survies médianes décrites  de 673 jours.

Traitement par Electrochimiotherapie

Les résultats varient selon les études et protocoles utilisés. Ce traitement est associé à des réponses dans 80 à 97% des cas des tumeurs traitées, avec des rémissions complètes et partielles dans 65 et 31% des cas respectivement, et une maladie stable chez 3,3% des patients. Une progression de la maladie est observée après un délai médian de 136 jours, nécessitant ainsi plusieurs séances d’électrochimiothérapie.

La réponse au traitement et la récidive constitue probablement les deux facteurs pronostiques les plus discriminants. Une toxicité de grade ≤ 2 (lésion ulcérative peu avancée) est généralement rapportée chez 51% des patients. Ainsi, la sélection des patients (privilégier les tumeurs de stade peu avancé) est fondamentale afin de garantir le succès de la thérapie tout en minimisant les effets secondaires.

Attention cependant, comme mentionné préalablement, la leishmaniose cutanée chez les chats peut présenter une similitude lésionnelle.

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On a lu pour vous : A Retrospective Multicentric Study of Electrochemotherapy in the Treatment of Feline Nasal Planum Squamous Cell Carcinoma
Geste technique : Cytologie aspirative de lésion cutanée

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